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En 1945, des manuscrits (révolutionnaires pour le christianisme) ont refait surface en Egypte, à Nag Hammadi. Mais depuis leur découverte, une sorte de voile a recouvert leur contenu puisque seuls les spécialistes et les passionnés les connaissent. Pourtant, leur importance est capitale, car ils complètent les quatre évangiles de Marc, Jean, Matthieu et Luc. Il a fallu le film Stigmata et le livre le Code de Vinci, pour que le monde découvre la présence de Marie-Madeleine auprès du Christ. Le Jardin des Livres est très fier d'éditer enfin le travail du Professeur James Robinson, le grand spécialiste mondial.
MANUSCRITS
DE NAG HAMMADI
volume 1
L'ÉVANGILE DE MARIE-MADELEINE
L'APOCALYPSE DE JACQUES
L'ÉVANGILE DE THOMAS
L'ÉVANGILE DE PHILIPPE
LE DIALOGUE DU SAUVEUR
EUGNOSTE LE BIENHEUREUX
et
LA SOPHIA DE JESUS CHRIST
« Dans ce monde, ceux qui mettent des vêtements sont meilleurs que les vêtements.
Dans le royaume des cieux, les vêtements sont meilleurs que ceux qui les ont revêtus ».
Évangile de Philippe
Le Seigneur aimait cette femme [Marie-Madeleine] plus que tous les autres disciples et avait l'habitude de l'embrasser souvent.
Évangile de Philippe
Si tu es né d'un être humain, c'est l'être humain qui t'aimera.
Si tu deviens un esprit, c'est l'esprit qui se joindra à toi.
Si tu deviens pensée, c'est la pensée qui frayera avec toi.
Si tu deviens lumière, c'est la lumière qui s'associera avec toi.
Évangile de Philippe
« Car ce qui entre dans votre bouche ne vous salira pas, mais c'est ce qui sort de votre bouche, c'est cela qui vous salira ».
Évangile de Thomas
Signes textuels
Les petits traits ( verticaux, en indice ) indiquent les divisions de lignes dans le manuscrit. Toutes les cinq lignes, un chiffre est inséré à la place d'un trait nombres peut toutefois varier dans les traités qui sont très fragmentaires. Une nouvelle page est indiquée par un chiffre en gras. Quand la division d'une nouvelle ligne ou page coïncide avec le début d'un nouveau paragraphe, le chiffre ou trait est placé à la fin du paragraphe précédent. Parfois, les chiffres en gras indiquent la seule division des pages dans le manuscrit.
[ ] Indique une lacune dans le manuscrit. Les crochets ne sont pas employés pour diviser un mot, sauf pour les mots avec trait d'union ou un nom propre1. Certains mots sont ou ne sont pas placés entre crochets, en fonction des certitudes par rapport au mot copte et au nombre de lettres visibles.
[...] Quand le texte ne peut pas être reconstitué, quelle que soit la lacune, trois petits points sont insérés entre les crochets un quatrième point, si nécessaire, indique le point final.
... Dans quelques cas, trois petits points sans crochets indiquent une série de lettres coptes qui ne constituent pas une unité de sens traduisible.
< > Indique une correction due à une erreur ou à une omission du scribe. Soit le traducteur a inséré des lettres omises involontairement par le scribe des lettres ( insérées à tort ) par ce que le scribe désirait probablement écrire.
{ } Indique des lettres ou mots superflus ajoutés par le scribe.
( ) Indique un ajout de l'éditeur ou du traducteur, y compris du traducteur français. Bien que ces ajouts ne reflètent pas directement le texte traduit, il offre une information utile au lecteur.
~ 1 La place des textes
La bibliothèque de Nag Hammadi est une collection de textes variant largement quant aux auteurs, dates et aux lieux où ils ont été écrits. Les points de vue exposés divergent à un tel degré que l'on considère que ces textes ne proviennent pas d'un seul groupe ou mouvement.
Pourtant, ces documents diversifiés devaient avoir quelque chose en commun puisque ceux qui les ont rassemblés les ont choisis. Les collecteurs ont sans aucun doute contribué à cette unité en y trouvant des sens cachés que les auteurs originaux n'avaient pas pleinement considérés. Après tout, L'Évangile de Thomas débute avec une phrase adressée aux sages : « Celui qui trouvera l'interprétation de ces paroles n'expérimentera pas la mort ».
Ainsi les textes peuvent être lus selon deux niveaux : ce que l'auteur original avait l'intention de communiquer et ce que les textes voulaient ultérieurement transmettre. Les idées directrices à la base de leur réunion sont un éloignement de la masse humaine, une affinité avec un ordre idéal qui transcende totalement la vie telle que nous la connaissons, et un style de vie radicalement différent de l'usage commun. Le style de vie par exemple, impliquait d'abandonner tous les dieux auxquels les gens aspiraient habituellement et de désirer l'ultime libération.
Ce n'est pas une révolution agressive qui est désirée, mais plutôt le retrait d'une participation à la contamination qui détruit la clarté de la vision. Dans ce cadre, les idées directrices de cette bibliothèque ont bien des choses en commun avec le christianisme primitif, avec la religion orientale et avec les « hommes saints » ( et les femmes ) de tous temps, et avec des équivalents contemporains plus séculaires, comme les mouvements de contre-culture des années 60.
Le détachement des dieux d'une société de consommation, se retirer dans des communautés de pensée à l'écart des grandes villes où règnent l'agitation et le désordre, la non-implication dans les compromis politiques, le partage d'un savoir de groupe, tant sur un idéal que sur la course au désastre culturel et l'alternative radicale généralement non connue, tout cet ensemble sous des atours modernes est la véritable contestation enracinée dans les documents de la bibliothèque de Nag Hammadi.
Pour être exact, ces racines, aussi fascinantes et provocantes soient-elles, peuvent également être déconcertantes et même frustrantes, non seulement pour ce qu'elles ont à dire à la personne peu ouverte, mais aussi pour la personne plus attentive qui cherche à suivre la petite lumière luisant faiblement à travers le flux du langage. Car l'essentiel de Nag Hammadi a été maltraité et fragmenté par le processus historique qui l'a mis au jour. Une opération de sauvetage est donc aujourd'hui nécessaire à de nombreux niveaux si on veut clairement comprendre son essence.
La mythologie et les anciennes traditions religieuses et philosophiques étaient les seules choses disponibles pour exprimer ce qui était, en fait, une position plutôt peu traditionnelle. En réalité, elle était trop radicale pour s'établir au sein des religions organisées ou des écoles philosophiques de l'époque capable de l'emporter sur les institutions éducatives d'une culture afin de développer et clarifier ses implications.
Les écoles gnostiques ont commencé à émerger dans le christianisme et le néoplatonisme jusqu'à ce que les deux s'accordent finalement pour les exclure comme une « hérésie » du gnosticisme. Ainsi, les formulations philosophiques et les mythes significatifs et éloquents de cette position radicale sont, à leur tour, devenus des traditions confuses, réutilisées par des auteurs ultérieurs et moindres, et dont les versions mitigées, pour ne pas dire troubles, ne peuvent pas avoir été les principales de ce qui a survécu ( bien qu'il y ait de nombreux « classiques » dans la bibliothèque de Nag Hammadi ).
Les textes furent traduits en copte, un par un, à partir du grec, et pas toujours par des traducteurs aptes à saisir la profondeur ou la beauté de ce qu'ils cherchaient à traduire. Le traducteur d'un bref fragment de La République de Platon n'a visiblement pas compris le texte, bien qu'il paraissait de toute évidence édifiant et méritait d'être traduit. Heureusement, la plupart des textes sont mieux traduits, mais quand il s'agit de reproduction, chacun peut sentir la différence entre une bonne et une médiocre traduction – ce qui amène à s'étonner sur la majeure partie des textes qui existent sous une seule version.
Le même genre de risque existe dans la transmission des textes par une série de scribes qui les ont recopiés, génération après génération, à partir de copies de plus en plus corrompues, d'abord en grec puis en copte. Le nombre d'erreurs involontaires est difficilement estimable, puisqu'il n'existe pas de contrôle des copies en tant que tel pas non plus, comme dans le cas de la Bible, quantité de manuscrits pour un même texte qui permette de les corriger en les comparant les uns aux autres. Il ne peut être corrigé quand l'erreur est détectable, en tant que telle, dans l'unique copie que nous possédons.
S'ajoute à cela la détérioration physique des livres eux-mêmes, qui a sans aucun doute débuté avant qu'ils ne soient enfouis vers 400, et qui s'est poursuivie durant leur enfouissement. Malheureusement, elle n'a même pas été stoppée entre leur découverte en 1945 et leur conservation définitive quelques 30 ans plus tard. Quand il ne manque que quelques lettres, elles peuvent souvent être restituées convenablement, mais les lacunes plus importantes doivent simplement rester des espaces vides.
Le lecteur ne doit pas être induit en erreur par de tels obstacles à la compréhension, en pensant que la position inhérente à ces essais ne mérite pas une considération sérieuse. Au contraire, nous sommes ici en présence d'une compréhension de l'existence, d'une réponse au dilemme humain, d'une attitude envers la société qui sont dignes d'être prises au sérieux par toute personne capable et désireuse de débattre de ces ultimes questions. Cette position basique n'a été, jusqu'ici, presque exclusivement connue que par la vision myope des chasseurs d'hérésie, qui font souvent des citations uniquement pour mieux les réfuter ou les ridiculiser. Ainsi, la découverte de la bibliothèque de Nag Hammadi offre un accès inattendu à la position gnostique, présentée par les gnostiques eux-mêmes. Elle pourrait offrir de nouvelles racines aux déracinés.
Ceux qui rassemblèrent ces livres étaient des chrétiens, et nombre de ces essais furent à l'origine composés par des chrétiens. Dans un sens cela ne devrait guère être surprenant, puisque le christianisme primitif était lui-même un mouvement radical. Jésus demandait un total changement de valeurs, préconisant, comme nous l'avons appris, la fin du monde et son remplacement par un style de vie plutôt nouveau et utopique dans lequel l'idéal serait réel. Il adopta une position plutôt indépendante vis à vis des autorités de l'époque... et ne perdura pas très longtemps avant qu'elles ne l'éliminent.
Pourtant, ses disciples réaffirmèrent sa position : pour eux, il était venu pour personnifier le but ultime. Néanmoins, parmi les plus pragmatiques de son cercle, certains suivirent un mode de vie plus conventionnel. Petit à petit, le cercle devint une organisation établie ayant pour souci assez naturel de maintenir l'ordre, la continuité, les voies de l'autorité et la stabilité. Mais ce souci pouvait encourager une obligation au statu quo, en concurrençant et en l'emportant parfois sur l'obligation du but ultime, bien au-delà de toute réalisation. Ceux qui nourrissaient le rêve radical, l'espoir ultime, pourraient avoir tendance à l'abandonner en le comparant injustement avec ce qui avait été réalisé, et ainsi paraître déloyaux et constituer une sérieuse menace à l'organisation.
Au fil du temps et avec le changement d'environnement, la situation culturelle se modifia, et le langage qui exprimait une telle transcendance, radicale, subit aussi des changements. Le monde de pensée d'où provenait Jésus et ses premiers disciples était la piété populaire de la synagogue juive, mise au point selon les termes du rite de passage de Jean le Baptiste à partir de l'ancien régime pour le nouveau monde idéal dont l'avènement dramatique allait se produire prochainement.
Dans ce mode de pensée, le système du mal qui prévaut n'est pas la façon dont les choses existent intrinsèquement. En principe, et même si cela n'existe pas dans la pratique, le monde est bon. Le mal qui s'est propagé à travers l'histoire est un fléau, tel un étranger au monde. Mais pour certains, la vie s'annonçait de plus en plus sombre origine du monde était attribuée à une faute terrible, et on donna au mal le statut de dirigeant suprême, pas simplement comme une usurpation de l'autorité. Le seul espoir semblait donc résider dans la fuite.
Parce que les hommes, ou du moins certains, ne sont pas, au fond, le produit de ce système absurde, et parce que par leur nature même, ils appartiennent au Suprême. Leur situation désespérée résidait dans le fait d'avoir été dupés, leurrés et pris dans un piège qui consistait à essayer d'être satisfait d'un monde impossible, à l'écart de leur véritable patrie. Et pour certains, se concentrer sur l'intériorité sans être détournés par des facteurs extérieurs est devenu la seule manière d'atteindre la paix, la vue d'ensemble, et la fusion dans le Tout qui est la destinée de l'étincelle du divin en chacun.
Par conséquent le gnosticisme chrétien émergea comme une réaffirmation de la position originale, bien qu'en des termes quelque peu différents, sur la transcendance au cœur des débuts du christianisme. Ces chrétiens gnostiques se considérèrent sûrement comme la continuation fidèle, dans des circonstances changeantes, de cette position originale qui fit des chrétiens... des Chrétiens.
Mais les termes quelque peu différents dans des circonstances changeantes impliquaient aussi des divergences réelles : d'autres chrétiens ont clairement considéré le gnosticisme comme une trahison de la position originale chrétienne. C'était la conviction de ceux qui s'étaient adaptés au statu quo, mais également, et sans nul doute, de certains qui retenaient la force de la protestation originale et l'espoir ultime.
Le fait de se départir du langage original pourrait être exploité pour unir l'opposition à travers l'ampleur de l'église. Ainsi, les gnostiques en vinrent à être exclus de l'Église en tant qu'hérétiques. D'ailleurs, dans le Nouveau Testament, deux de ces gnostiques furent reniés au début du IIe siècle ( 2 Timothée 2:16-18 ).
Évite les bavardages vides et verbeux de plus en plus loin sur les routes impies, et leur enseignement contaminateur s'étendra comme une gangrène. Tels sont Hyménée et Philétos loin de la vérité en disant que notre résurrection a déjà eu lieu, et ils bouleversent la foi des gens.
Ce point de vue ( la résurrection a déjà eu lieu comme une réalité spirituelle ) se trouve dans Le Traité de la résurrection, L'Exégèse de l'âme et L'Évangile de Philippe, textes qui appartiennent à la bibliothèque de Nag Hammadi ! Mais celle-ci décrit de manière précise que le rejet était mutuel : celui que les chrétiens décrivent comme « hérétique » ressemble d'avantage à celui qui est habituellement considéré comme « orthodoxe ». Dans L'Apocalypse de Pierre, Jésus critique le principal courant du christianisme comme suit :
Ils se diviseront pour le nom d'un homme mort, en pensant qu'ils deviendront purs. Mais ils deviendront très profanes et tomberont dans l'erreur, entre les mains d'un homme mauvais et fourbe et dans un dogme multiple, et ils seront dirigés de manière hérétique. Car certains d'entre-eux blasphémeront la vérité et proclameront l'enseignement néfaste. Et ils diront des choses mauvaises à l'encontre des uns et des autres... Mais bien d'autres, qui s'opposent à la vérité et sont les messagers de l'erreur, instaureront leur erreur et leur loi contre ces pensées pures qui sont miennes, comme cherchant depuis une unique ( perspective ), pensant que le bien et le mal proviennent d'une unique ( source ). Ils font des affaires en mon nom... Et il y en aura d'autres parmi ceux qui sont en dehors de nos effectifs qui se nomment eux-mêmes évêque et aussi diacre, comme s'ils avaient reçu l'autorité de Dieu. Ils se plient au jugement des dirigeants. Ces gens sont des canaux asséchés.
Avec la conversion de l'empire romain au christianisme d'un genre plus conventionnel, les chances de survie du christianisme gnostique, tel que reflété par la bibliothèque de Nag Hammadi, furent nettement réduites. L'évêque de Chypre, Epiphane, dont le principal ouvrage était une « boîte à remèdes » contre toutes les hérésies2, décrit sa rencontre avec le gnosticisme en Égypte, à l'époque où la bibliothèque de Nag Hammadi a été constituée :
Me trouvant au contact de cette bien-aimée secte, l'on m'enseigna ces choses en personne, de la bouche même des gnostiques pratiquants.
Ce ne furent pas seulement les femmes se faisant cette illusion qui m'offrirent matière à discussion et me divulguèrent ce genre de choses. Avec une audace impudente qui plus est, ils tentèrent de me séduire...
Mais le Dieu miséricordieux me délivra de leur faiblesse, et ainsi – après les avoir étudiés et après avoir lu leurs livres, comprenant leur véritable intention et n'étant pas entraîné avec eux, et après en avoir réchappé sans mordre à l'hameçon – je ne perdis pas de temps à les signaler aux évêques et à trouver lesquels étaient cachés dans l'église. Ainsi ils furent expulsés de la ville, environ 18 personnes, et la ville fut débarrassée de leur croissance épineuse comme de l'ivraie.
Le gnosticisme fut finalement éradiqué de la chrétienté, hormis des mouvements clandestins occasionnels, quelques parentés dans le mysticisme médiéval et un faible écho épisodique resté dans la limite des convenances, dans le romantisme anglais par exemple :
Notre naissance n'est que sommeil et oubli :
L'Âme qui s'élève avec nous, notre Étoile de vie,
Venait d'autre part
D'un lointain théâtre.
...
Le monde est avec nous, trop bien
Recevant et dépensant, nous dévastons nos pouvoirs.
Ce gnosticisme fut aussi capable de perdurer au delà des frontières de l'empire romain devenu la chrétienté. Il existe toujours à l'heure actuelle dans la région de l'Iraq et l'Iran déchirée par la guerre, sous la forme d'une petite secte, les Mandéens, mot qu'ils emploient pour désigner les « connaisseurs », c'est-à-dire les gnostiques.
Ce même repli sur soi, ou désespoir du monde, à partir duquel émergea la position gnostique, balaya non seulement le premier christianisme pour produire le gnosticisme chrétien, mais aussi l'antiquité tardive en général, produisant ainsi des formes de gnosticisme en dehors du christianisme.
Un débat de longue date existe parmi les historiens des religions afin de déterminer si le gnosticisme doit être considéré comme un développement interne au christianisme ou comme un mouvement plus large, donc indépendant du christianisme, voire antérieur. Ce débat semble se résoudre de lui-même sur la base de la bibliothèque de Nag Hammadi : elle plaide en faveur d'une compréhension du gnosticisme en tant que phénomène plus large que le gnosticisme chrétien présenté par les hérésiologues.
Pour commencer, se pose la question du gnosticisme juif. Il semblerait, aux yeux des « hérésiologues », qu'il existe une notable vérité historique en ce sens, c'est-à-dire que certaines hérésies gnostiques remontent au sectes juives. Après tout, le christianisme lui-même a grandi au sein du judaïsme, et il serait surprenant qu'il n'ait pas reflété divers tendances du judaïsme de l'époque.
Le christianisme primitif n'était pas lui-même un mouvement unifié. Le christianisme juif de la première génération en Galilée qui développa l'ensemble de dictons issus des évangiles de Matthieu et Luc pourrait bien avoir été considéré comme hérétique par Paul et les hellénistes, et ce sentiment pourrait avoir été mutuel. Paul rejeta clairement comme hérétiques les « judaïsants » chrétiens. Plus tard au cours du Ier siècle, les divers fils du christianisme juif furent exclus du judaïsme, en tant que judaïsme « normatif » apparu en réaction à la trahison de l'identité juive posée par la destruction de Jérusalem en 70
Certains des essais gnostiques de la bibliothèque de Nag Hammadi ne paraissent pas refléter la tradition chrétienne, car fondés sur l'Ancien Testament, qui était aussi la Bible juive. Néanmoins, l'idée même du gnosticisme juif est parfois rejetée en raison d'une contradiction dans les termes. Comment les juifs pourraient-ils qualifier leur Dieu de force malveillante dont l'impair malencontreux a donné naissance au monde, un Dieu qui était ignorant du bien caché au delà de lui-même ?
Puisque les chrétiens vénèrent le même Dieu que les juifs, cet argument pourrait tout aussi bien être employé à l'encontre de l'idée même du gnosticisme chrétien. Mais comme les premiers chasseurs d'hérésie assimilèrent clairement les gnostiques à des chrétiens ( des chrétiens hérétiques selon eux, évidemment ) le concept de « gnosticisme chrétien » est fermement établi. Pour employer une autre analogie, Simon le Mage, l'un des premiers gnostiques connus, venait de Samarie, bien que les samaritains vénérassent à leur propre manière le même Dieu que les chrétiens et les juifs.
De là, le concept du gnosticisme juif est intelligible, même si, selon un point de vue normatif, la validité de l'emploi du mot juif, chrétien ou samaritain pour telle personne ou tel texte pourrait être contestée. Bien évidemment, nous ne connaissons pas les gnostiques qui érigèrent des traditions sur l'Ancien Testament, la Bible juive, autrement que par les textes contenant ces traditions gnosticisme juif ) a à l'esprit des traditions culturelles juives manquant de revêtement chrétien visible ( sans plus d'identification des porteurs de ces traditions ).
La découverte des manuscrits ( ou rouleaux ) de la mer Morte a d'ores et déjà attiré l'attention sur le fait que le judaïsme du Ier siècle faisait preuve de pluralisme dans ses positions théologiques, et contenait nombre de groupes divergents ou sectes. Les Esséniens, avant la découverte des manuscrits de la mer Morte, étaient dans une situation assez similaire à celle des gnostiques avant la découverte des textes de Nag Hammadi : c'était aussi un mouvement sur lequel on ne savait presque rien pour le traiter avec le sérieux qu'il méritait.
A présent, nous savons que les Esséniens étaient une secte juive qui avait rompu avec le judaïsme officiel du Temple de Jésuralem et qui s'était retirée dans le désert le long du wâdî Qumram. Ils interprétèrent leur situation selon les termes de l'antithèse de la lumière et de l'obscurité, de la vérité et du mensonge, dualisme qui finalement remontait au dualisme perse, et qui ensuite progressa vers le gnosticisme.
L'histoire du gnosticisme, présentée dans la bibliothèque de Nag Hammadi, commença à peu près là où s'arrête l'histoire des Esséniens présentée par les manuscrits de la mer Morte. Les traditions mystiques juives suivantes, retracées en particulier par Gershom Scholem, ont montré que, bien que paraissant inconsistantes, les tendances gnostiques continuèrent à entretenir une existence clandestine dans un contexte de judaïsme normatif.
La bibliothèque de Nag Hammadi a démontré que certains traits, auparavant considérés comme caractéristiques du gnosticisme chrétien, étaient à l'origine non chrétiens, bien qu'un élément juif soit aisément reconnaissable.
Irénée présente Barbélo comme un personnage mythologique majeur d'un groupe gnostique chrétien appelé les « barbélognostiques ». Mais Les Trois Stèles de Seth est un texte gnostique sans élément chrétien qui n'attribue néanmoins pas d'éminente position à Barbélo. Hyppolyte cite une certaine « Paraphrase de Seth » comme un texte gnostique. Cependant, un texte très similaire de Nag Hammadi, intitulé La Paraphrase de Shem, présente une absence d'élément chrétien.
Il est certes compréhensible que les hérésiologues aient eu pour principal souci de réfuter la forme chrétienne des textes et mouvements gnostiques. Mais cela n'indique pas pour autant que la forme chrétienne était la forme originale, en particulier quand la découverte de Nag Hammadi fournit des preuves à l'appui d'une forme non-chrétienne.
Autre exemple comparatif, qui n'est pas nécessairement gnostique dans ce cas, avec le récit mythologique de la naissance dans l'Apocalypse, que les commentateurs ont eu les plus grandes difficultés à faire dériver des histoires sur la naissance de Jésus. L'Apocalypse d'Adam offre en revanche une suite de narrations sur l'arrivée du sauveur présentant à peu près la même idée générale et montrant ainsi un arrière-plan mythologique partagé et qui n'est pas chrétien.
Ce sont surtout les textes séthiens de Nag Hammadi qui, en tant que groupe, attestent d'un gnosticisme non-chrétien ce qui n'avait pas été démontré auparavant de manière si claire. Le corpus séthien couvre la transition du gnosticisme non-chrétien au christianisé, comme l'a résumé le principal expert du séthianisme : « La plupart des écrits de notre groupe de textes ne contiennent aucun élément chrétien ( Les Trois stèles de Seth, Allogène, Marsanès, La Pensée de Noréa ) contiennent très peu de motifs chrétiens ( Zostrien, L'Apocalypse d'Adam ) ou contiennent ici et là un vernis chrétien ( Protennoia trimorphe, L'Évangile des Egyptiens ) pendant que seulement quelques uns ( L'Hypostase des archontes, Melchisédech, L'Apocryphon de Jean ) s'approchent de ce qui est appelé la gnose chrétienne ».
Dans aucun de ces cas séthiens on ne peut faire remonter les textes ou leur mythologie, d'une tradition chrétienne principale. Car l'élément chrétien semble si extérieur à l'idée directrice du texte que l'on tend à penser qu'il fut ajouté par un éditeur, traducteur ou scribe chrétien à ce qui avait été, à l'origine, composé comme un texte non-chrétien, même si les formes originales n'existent plus. Par exemple, la Protennoia trimorphe, où un christianisant secondaire a pris place, n'a cependant pas ses racines dans la même spéculation de sagesse juive que le fait le prologue de L'Évangile de Jean.
Fait partie de cette tendance christianisante ce scribe qui attribue au « Livre sacré du Grand Esprit Invisible » un second titre qui est « L'Évangile des Égyptiens ». Ainsi, on conclut que, malgré le fait que le corpus séthien ait été visiblement employé par les chrétiens ( tout comme l'étaient des textes non-chrétiens comme l'Ancien Testament ), il provient du gnosticisme « juif » non-chrétien.
La bibliothèque de Nag Hammadi présente même un cas de processus christianisant ayant quasiment eu lieu sous nos yeux. Le traité philosophique non-chrétien Eugnoste le Bienheureux est coupé plutôt arbitrairement en différents discours, qui sont mis dans la bouche de Jésus, en réponse aux questions ( qui parfois ne correspondent pas parfaitement aux réponses ) que les disciples lui adressent lors de son apparition résurrectionnelle. Le résultat est un traité distinct intitulé La Sophia de Jésus Christ. Les deux formes du texte existent côte à côte dans le Codex III.
Certains textes de Nag Hammadi, et souvent même les traditions séthiennes, semblent avoir influencé une orientation philosophique et néoplatonique. Plotin, le principal néoplatonicien du IIIe siècle, se réfère en fait aux gnostiques dans son école : « Nous ressentons une certaine considération pour certains de nos amis qui sont arrivés à cette manière de penser avant qu'ils ne deviennent nos amis, et, bien que je ne sache pas comment ils y ont réussi, continuent dans cette voie ». Mais l'école se retourna contre le gnosticisme, comme l'indiquent les polémiques de Plotin. Son élève ou disciple Porphyre, déclare dans sa Vie de Plotin :
A son époque il y avait beaucoup de chrétiens et d'autres, et des sectaires qui avaient abandonné l'ancienne philosophie, des hommes ... qui ... rapportèrent des révélations de Zoroastre et Zostrien et Nicothée et Allogène et Messos et d'autres gens de ce genre, déçus eux-mêmes et en en décevant beaucoup, alléguant que Platon n'avait pas pénétré les profondeurs de la réalité intelligible.
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